Fantastique

Bonobo – Jeong You-Jeong

Bonobo – Jeong You-Jeong

auteur

Jeong You-Jeong

Traductrices

Yeong-Hee Lim
Mathilde Colo

éditeur

Editions Picquier
340 pages

ISBN 

9782809715644

1ère parution

09/2021

âge conseillé

A partir de 15 ans

Genre

Fantastique

Quatrième de couverture

Jin-yi consacre sa vie à l’étude des primates. Un soir, elle participe au sauvetage d’une bonobo échappée d’une villa en flammes et, alors qu’elle la tient sur ses genoux dans la voiture qui les ramène au Centre d’étude des primates, un accident la projette à travers le pare-brise et une étrange fusion s’opère ?

Tandis que son corps est emmené à l’hôpital, entre la vie et la mort, l’esprit de Jin-yi se réfugie dans le corps de la petite bonobo. Ainsi commence une fascinante coexistence entre ces deux êtres. La romancière livre un récit captivant qui nous tient en haleine du début à la fin.

Mais la vraie originalité de son roman est de déplacer les frontières entre humain et animal en nous faisant pénétrer dans l’univers et la sensibilité des bonobos.
Un dialogue bouleversant sur le désir de vivre et la mort, sur les liens plus justes que nous voulons établir avec les autres êtres vivants ainsi qu’avec nous-mêmes.

Mon expérience de lecture

Lors d’une de mes dernières descentes en librairie, ce livre m’avait irrésistiblement attirée.
Sa couverture magnifique invite ouvertement au voyage, puis sa quatrième est extrêmement engageante.
Toutefois, j’étais repartie sans ce roman ce jour-là, car mon panier était déjà bien rempli, et mon porte-monnaie bien vide…

Puis, lors d’une nouvelle razzia, je n’ai pu m’empêcher de retourner vers lui, tant mon attraction était forte. Je l’ai cherché partout dans le magasin, en espérant qu’il y était encore. Cette fois, je suis repartie avec mon Graal, excitée à l’idée de découvrir ce récit alléchant.

Je brûlais de découvrir le conflit entre humanité et animalité qu’augurait le résumé.


Le bonobo est le singe le plus proche de l’être humain génétiquement parlant (98,7 % de similitudes dans leur génotype).


Le prologue nous plonge au cœur de Kinshasa avec la rencontre entre une petite bonobo et notre héroïne, dans des circonstances difficiles.
Le dépaysement est à ce moment-là total. La condition de la petite bonobo nous interroge sur la maltraitance animale.
La plume de You-Jeong est imagée, vivante.
Ça part fort. Très fort, même.

Le premier chapitre s’ouvre en Corée. Autre dépaysement en perspective, autre voyage tout aussi excitant.
Le texte est rédigé à la première personne. Il nous rapporte deux voix en alternance : celle de Minju, un jeune homme désœuvré, mis à la porte du domicile familial à cause de son oisiveté (et qui est le personnage le plus attachant du roman).
Celle de Jin-yi, une gentille soigneuse qui se consacre aux primates et dont l’âme va se retrouver mêlée à celle d’une petite bonobo, nommée Jin, suite à un accident de voiture.
Le récit joue également sur différentes tonalités : tantôt comédie, tantôt tragédie.


Beaucoup de pistes de réflexion sont proposées par You-Jeong : sur le paraître, la société, l’injonction de réussir sa vie selon les standards établis, la condition humaine, la condition animale.


Oui, ça fait beaucoup. Je suis d’accord. L’autrice se perd rapidement dans son propre labyrinthe de réflexions. Tout est survolé. Le conflit intérieur entre animalité et humanité est vite balayé par une pirouette scénaristique.
L’humaine conserve ses réflexions et capacités de communication humaines (hormis le langage articulé) et se fait aisément comprendre par Minju (qui d’ailleurs, de son côté, réalise presque tout de suite que Jin et Jin-yi se partagent le même cerveau, tant l’interaction entre les deux personnages est facilité).
La difficulté d’être douée de raison dans un corps qui ne permet pas la communication verbale entre espèces était pour moi le principal attrait du texte. J’espérais davantage ressentir l’impuissance de la petite bonobo à se faire comprendre, ressentir la barrière entre les espèces, voir les émotions du singe se heurter aux interprétations humaines (ou l’inverse : voir l’anthropomorphisme créer des surinterprétations, voire de fausses interprétations des actions du singe). Et ça retombe comme un soufflé.

La perspective excitante du voyage en Corée ou au Congo (qu’évoquait la couverture) est aussi un écueil.
Après l’accident de voiture, l’action se concentre majoritairement dans les couloirs d’un hôpital. Évidemment, vu les événements c’est logique, me direz-vous. Sauf que le transfert d’une âme humaine dans un primate n’a rien de logique et c’était le parti pris de départ. You-Jeong semble avoir été dépassée par le côté fantastique de son aventure et est restée bloquée à un niveau rationnel que j’ai regretté.


Dommage de ne pas avoir davantage exploré l’aspect fantastique pour développer son propos. Je me suis retrouvée loin du voyage pittoresque promis comme celui que j’ai pu vivre en lisant les mémoires d’un chat de Hiro Arikawa (lecture qui m’a été conseillée par l’adorable blogueuse Les Rêveries d’Isis et que je vous recommande très chaleureusement à mon tour) à travers le Japon par exemple.


L’originalité du thème m’a cependant incitée à poursuivre ma lecture, même si, à mesure, j’avais compris où cette aventure me menerait grâce à quelques indices : le fonctionnement de la cohabitation de Jin et Jin-yi dans le corps de la bonobo et cette satanée écriture au présent entre autres choses.

Bon sang que je n’aime pas les romans au présent ! Je concède à la pratique que cela rend le style direct, plus proche du lecteur. Cela se prête bien aux histoires racontées à la première personne (comme c’est le cas ici, même si j’en ai ras le bol des récits à la première personne, je m’en expliquerai peut-être à l’occasion d’une autre chronique). Mais qu’est-ce que je me sens étriquée en tant que lectrice. Ça manque cruellement de flexibilité. La narration est certes plus cinématographique, je ne le nie pas, mais elle se trouve limitée de nombreux ressorts littéraires comme les ellipses, analepses, et autres prolepses… et surtout… en tant qu’autrice je sais pourquoi cette forme peut être privilégiée par l’écrivain.
Hélas, ça n’a pas manqué sur ce coup-là.
J’aurais préféré avoir tort.

Photo E.R. Link © février 2022

Mon avis

Un roman pour lequel j’ai vécu un coup de foudre. Hélas, pour moi, il s’est révélé décevant. Sans doute la lecture de sa quatrième de couverture m’avait fait placer en lui trop d’espoirs.

You-Jeong a un style agréable, mais elle s’est retrouvée piégée par son intrigue. Le questionnement autour de la frontière entre animalité et humanité est très vite abandonné. On se perd dans des descriptions fastidieuses qui semblent avoir dépassé son autrice. Rapidement, You-Jeong rencontre les limites du fantastique sans oser les franchir. Le texte reste très timide dans son exploration du genre.

Arrivée aux trois-quarts du livre, j’ai lâché l’affaire. J’avais compris ce qui allait se passer, comment ça allait se passer, et je n’attendais plus l’originalité que j’avais placée dans ce texte en l’achetant. J’ai lu en diagonale les dernières pages, histoire de voir tout de même comment cette aventure se concluait. Mes soupçons se sont confirmés.


Un récit au parti pris ambitieux mais qui au final accouche d’une souris.


Déçue. Dommage, j’avais placé beaucoup d’espoirs dans ce livre. Trop peut-être.


Verdict

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