Littérature Générale

Pachinko – Min Jin Lee

Pachinko – Min Jin Lee

autrice

Min Jin Lee

Traductrice

Laura Bourgeois

éditeur

Charleston
622 pages

Genre

Littérature Générale

ISBN 

9782368125250

1ère parution

2021

âge conseillé

A partir de 15 ans.

Quatrième de couverture

Début des années 1920, dans un petit village coréen, la jeune Sunja se laisse séduire par un riche étranger. Lorsqu’elle tombe enceinte et apprend que son amant est déjà marié au Japon, elle refuse la solution qu’il lui propose : devenir son épouse coréenne. Ce refus est le point de départ d’un exil qui s’étendra sur quatre générations. Pour éviter la ruine et le déshonneur à sa famille, Sunja épouse Isak, un pasteur chrétien qu’elle connaît à peine…

Mon expérience de lecture

Deux ans et demi que j’y échappe, voilà qui ne pouvait pas durer. Elle a fini par me trouver au cours de son périple mondial : la Covid.
Me voici donc isolée pour une semaine avec fièvre, courbatures, céphalées et la canicule en guise de pompon sur la Garonne ! Que fait-on dans ces cas-là ? Je vous le demande ?


On écrit (quand on est écrivain),
On regarde des séries (parce qu’il y en a toujours des tonnes à découvrir ou rattraper),
On lit !


Mon expérience avec Pachinko résulte ainsi de la combinaison Covid/série/lecture.
J’aime bien les séries coréennes. Je trouve que leur approche change de l’ordinaire. Quand j’ai découvert qu’Apple en proposait une historique et que celle-ci se trouvait de surcroît fort bien notée un peu partout, je n’ai pas hésité. J’ai foncé.

Me voilà donc avec mon paracétamol, ma réserve de mouchoirs, et mon canapé devant la saison 1 de Pachinko.


La photographie est splendide, les costumes sont beaux et l’histoire passionnante.


Très vite, en bonne lectrice, les épisodes ne me suffisent plus. Je cherche à me procurer le roman afin de le découvrir en parallèle de mon visionnage. Je sais d’expérience qu’un livre est toujours plus riche que son adaptation, aussi, il m’apparaît naturel d’approfondir ce que les images me renvoient à travers des mots et des descriptions plus travaillées. Confinement oblige, j’achète le texte en ebook et en entame la lecture tout en terminant la saison 1.


L’histoire de Min Jin Lee déroule ses différents arcs de façon chronologique – contrairement à la série qui réalise des allers-retours parmi les 3 parties du roman –, entre la Corée et le Japon sur quatre générations de 1910 à 1989.


Nous y suivons principalement le chemin de vie de Sunja, née d’un père infirme, puis contrainte à l’immigration au Japon. Sa route sera rude, ponctuée de doutes, de drames et de larmes (mais qu’espérer de plus lorsqu’on est originaire d’un pays frappé successivement par la colonisation japonaise, une guerre mondiale, une guerre intestine et une séparation violente qui mènera – pour une partie de sa population – à une des dictatures les plus répressives au monde).

Le texte se découpe en 3 parties, nommées « livres », chaque nouveau livre débute à une période charnière de l’existence des protagonistes. Si Sunja est omniprésente dans la première partie ainsi que le début de la seconde, elle abandonne progressivement sa place, en vieillissant, aux générations suivantes.


L’écriture est fluide, simple, et poétique. Le lecteur rentre très rapidement dans le récit et se laisse happer par ses personnages.


J’ai terminé le roman en 2 jours malgré ses 600 et quelques pages. On perçoit les odeurs, les sons, les goûts de la Corée avec précision, ce qui permet un véritable voyage virtuel. Détail appréciable quand on est coincée dans un salon par 40 °C.

De plus l’étendue de la période traitée se révèle riche et chaotique. Je me suis plongée dans la vie de Sunja avec l’œil d’une aventurière, prête à découvrir l’Histoire d’un pays que je connais finalement peu et un désir ardent de découvertes, de sensations et de dépaysement.


Photo ©E.R.Link – juillet 2022

Mon avis

Pachinko est une aventure familiale riche et passionnante, toutefois j’ai trouvé les parties inégales en termes de narration pure.
J’ai adoré la première partie, la découverte de cette Corée en 1910, de Sunja et des affres de la colonisation japonaise. L’écriture y était sensible, pointue, quasi chirurgicale. Chaque phrase rapportait une nouvelle saveur, une nouvelle texture, une nouvelle odeur. Je me suis attachée à son père si courageux, sa mère si généreuse, puis à cette enfant dépassée par les événements et ses sentiments. Si humaine.

J’ai un peu moins adhéré aux deuxième et troisième livres.
Non que leurs sujets ou personnages s’avéraient moins intéressants, mais plutôt parce que j’ai été un peu déçue par leur développement, en regard de la finesse d’écriture de la première partie.
Ainsi, l’un des personnages majeurs de l’histoire se voit traité comme un vulgaire figurant en début de seconde partie, ce que j’ai vécu comme une véritable frustration.
J’ai ressenti une désagréable sensation de bâclage. Vite, l’autrice veut avancer par ce qu’il y a encore plein de choses à raconter, donc elle referme cet arc vite fait et enchaîne avec le suivant. Sauf que, hélas, même par la suite, certaines ellipses sont trop longues et certains personnages – comme Etsuko, Solomon, ou Hana, entre autres – sont sous-traités.
C’est fort regrettable, car ils possèdent un matériau de base intéressant. Ils auraient mérité un plus ample développement afin d’expliquer et nourrir certaines rencontres, certaines relations.


C’est là le défaut majeur du livre : dès qu’un personnage ne sert plus l’arc narratif, l’autrice le mène vers l’oubli jusqu’à, souvent, l’éliminer froidement, par surprise, laissant le lecteur un tantinet sur sa faim.


Après avoir fait tant d’effort pour nous y attacher, quel dommage de le laisser proprement tomber sans même clôturer son arc de façon plus travaillée.

Paradoxalement, les producteurs de la série ont dû être, eux aussi, dérangés par certains de ces traitements hâtifs, car ils ont choisi de combler certains manques du récit à travers les épisodes.


Le fait est suffisamment exceptionnel pour être relevé, car la série apporte parfois plus d’explications que le roman !


Et c’est heureux ! De nombreux personnages ne méritaient pas d’être expédiés de la sorte !

De même étant donné l’ampleur de la période traitée, j’aspirais à davantage de détails sur l’Histoire et son impact sur la vie de chacun des protagonistes. Je m’attendais à découvrir énormément d’événements sur le destin d’un pays que je connais fort peu et finalement non.
L’Histoire est bien là, à travers certaines difficultés, mais si on changeait les dates, on ne se douterait pas que Sunja et sa famille traversent autant de guerres. Si, je suis injuste, à un moment, lorsqu’un des personnages décide d’aller travailler à Nagasaki, on se rappelle en effet qu’il le fait en 1945 et que ça pue un peu pour lui, mais c’est à peu près tout.
J’ai eu le sentiment que la défiance des Japonais envers les immigrés Coréens était bien plus prépondérante que le contexte historique, parce qu’en effet, il n’apparaît pas facile de se faire une place dans la société nippone quand on est étranger – surtout Coréen. Je le savais déjà depuis que j’avais lu Stupeur et tremblements d’Amélie Nothomb, et Pachinko ne m’en a pas nuancé la vision.

Hormis ces écueils qui, pour un réel développement de chacun d’eux auraient mérité le chantier d’une saga en plusieurs tomes, j’ai beaucoup aimé cette lecture, dépaysante et originale.
À l’instar du jeu dont il emprunte son titre, chaque personnage y évolue comme une bille de pachinko. Les épreuves le heurtent de plein fouet tels les clous du pachinko heurtent les billes, au hasard de sa situation géographique, sa nationalité, sa famille, sans que personne ne puisse réellement avoir de contrôle dessus. La puissance des combats à mener, des destins à affronter mènent à la résilience et si Sunja ne peut contrôler chaque événement qui jalonne sa vie, elle peut l’affronter et en tirer une véritable force.

Une lecture que je vous conseille en regardant également la série qui complète admirablement les lacunes frustrantes du récit. Vivement la saison 2 d’ailleurs, car seule la moitié du roman a été traitée au cours de la première saison.


Verdict

Bonus, pour vous donner envie de découvrir Pachinko, le générique de la série que j’aime beaucoup :

Laisser un commentaire